ILétait une fois un danseur du Samedi soir

 

A dix sept ans, je suis un danseur confirmé qui a la chance de traverser l'âge d'or de la musique "live" et des bals avec orchestres. Paris avait ses bals "musette" et ses bals bourgeois depuis longtemps, mais le surréalisme suivi de l'éxistentialisme vont les transformer par l'accueil des orchestres de jazz, de Biguine et de "mazouka", de rumba, de mambo, pour rejoindre le tango présent depuis longtemps.

A dix sept ans, "surbooké" par mes études à l'école Diderot, un travail de une nuit par semaine en usine, des cours de théâtre, le soir, à l'école Charles Dullin, je danse tous les week ends. Je connais le répertoire classique des danses de style "musette" et "dancing" dont les tangos de chaque style font partie. Depuis l'enfance, ou je pastichais à la "récré", les "Rudolf Valentino" et même "Tino Rossi", pour amuser les copains, je fantasme pour le "vrai" tango argentin écouté à la radio, mais qui n'a aucune existence à Paris, comme c'est le cas pour les danses "exotiques" ( jazz, Biguine, rumba..), même si les grands bals de Paris, comme la Coupole ou Mimi Pinson présentent un défilé d'orchestres tel que celui d' Alix Combell pour le jazz, et des orchestres typiques dont ceux de tango, en général tres qualifiés.

C'est à l'école de théâtre du Maitre Charles Dullin, que j'obtiens une adresse rare, celle d'un professeur argentin qui a sa clientèle dans le milieu du cinéma. Le prix est tres élevé. Et, "comme on n'est pas sérieux, quand on a dix sept ans", je vais vider ma bourse de petit étudiant.

J'ai travaillé  avec mon professeur argentin, sans le "paso basico" qui n'éxistait pas, mais avec un "fuerte abrazo" de mon "maestro".

Des lustres plus tard, vers le milieu des années 90, j'ai la chance de rencontrer FABIANNA BASSO, aux "Trottoirs de Buenos Aires", et plus tard, de suivre ses cours de qualité extrême, au studio "Paris centre", jusqu'à son départ de la profession.

Ce départ stoppera mon apprentissage du tango et une période d'errance va s'installer dans une recherche infructueuse pour une formation qui soit positive.                                                                                                                                                                                                                                                      

J'attendrai l'année 1998 avant de pouvoir rencontrer un autre talent, celui de SILVINA VALZ qui arrivait de Bs Aires . J'ai eu la chance qu'elle accepta ma demande : travailler le style "milonguéro" et le tango ouvert dans la même danse, apres qu'elle m'eut enseigné le style "milonguero" dans un premier temps

Concernant les qualités de SILVINA VALZ, je ne dirai que si un bon vin mérite un compliment, un " Don Perignon" ne peut que s'en dispenser.

 

 

 

REFERENCES "DANSES STYLES "MUSETTE" et "DANCING"

Mes souvenirs remontent à mes trois ans,(en 1933!!) quand j'habite un appartement délabré, au coeur des halles, à Paris. Ma maman s'est réfugiée là, avec ses enfants, car son mari est hospitalisé à l'hopital militaire du "Val-de-Grâce", victime d'une rechute de ses mutilations , le cadeau qu'il reçut à dix sept ans pendant la première guerre mondiale.

La nuit, je suis terrorisé par les cris des marchands des halles et les pleurs de ma maman. Je suis un enfant blessé par une guerre "gagnée" il y a plus de vingt ans! meurtri, comme les enfants de Palestine ou ailleurs dans le Sud, aujourd'hui...

Mais, un jour, je pars en vacances à Concarneau, dans la maison natale toute neuve construite par mon Papa. Ce dernier, avant son incapacité de travail, était un constructeur de villas destinées à une clientèle aisée et qui savait mêler "Art déco" et "Art nouveau".

Ma soeur, Denise, âgée de onze ans m'a accompagné, et je découvre la paix de la Bretagne.

Mais le haut lieu de mes souvenirs est le bistrot tenu par mon Grand père au lieu dit "le chant des oiseaux". Je ne reverrai un tel lieu qu'au cinéma, quand j'irai voir les western. C'est un véritable saloon! Il y a même un piano mécanique que mon Grand père enclenche, pour danser le Charleston pour me séduire et ensuite me conduire au bal, son bal, situé dans un bâtiment attenant, avec un parquet immense et les "cuivres" mystérieux de la sono. La salle est vide, et si je suis la, comme à l'église, étonné et trop réservé, j'ai compris qu'une porte s'ouvrait sur ma petite triste vie

Ce fut le bal de mon enfance et de mon adolescence, le remède aux problèmes familiaux, au chagrins et aux épreuves qui m'attendent à Paris, à la prochaine guerre mondiale, comme le jour ou mon copain de classe Borucovitch disparut avec son étoile jaune, ou encore ce jour de mon arrestation par  la milice française pour une moquerie d'enfant de 12ans, comme ce jour du 20 aout 1944 quand, revenant d'une rencontre de basket, je retrouvais ma soeur  Denise agée de 20 ans et mon meilleur ami Jean, agé de 17ans, assasinés dans leurs appartements respectifs de la même citée HLM par deux SS qui donc n'avaient n'avaient pu que bénéficier du lien avec la milice française. En ce jour du 20 Aout 1944, aucun combat n'avait eu lieu dans notre  quartier. Mais Jean, Denise et moi agé de 14ans, étions fichés à la milice française de triste mémoire...celle du Pétainisme!

Un bal pour les mariages de cinq cents personnes, ou pour les samedis soirs avec l'accordéon pour le "vrai" Musette: la valse, et les "78 tours" pour les danses exotiques.

 

Un manteau de fou rire

Sur vos robes imprimées

Et vos robes imprimées

Sur le velours potelé

De vos corps amoureux

Tout nouveaux tout dorés

Folles enfants de la haute ville

Ravissantes filles des bas quartiers

Modèles impossibles à copier

Covers-girls

Colored-girls

De la Goutte-d'or ou de Belleville

De Grenelle ou de Bagnolet." Jacques Prévert.

Vous dansez sur les parquets cirés

Du Balajo

Du Mikado

Du Bal de la Marine et du Bal Cadet

De chez Maxe et de chez Convert

Du petit Robinson et de chez Gégène. René Correo

 

Souvenir de René adolescent, "parigot", anti-"réac", anti-colonialiste et militant contre la guerre en "Indochine". Roi du tango musette dans son fief: "LE bal des fleurs" (Navy club) Bd de l'hopital..

 

REFERENCES.DANSES DES CARAÏBES.

LA BIGUINE A PARIS.

Apres mes premières vacances en Bretagne, je retrouve le premier arrondissement de Paris et, à quatre ans, j'ai le droit de rentrer à l'école maternelle de la rue Saint Germain l'Auxerroix, à deux pas du théâtre Sarah Bernard, hors des Halles bruyantes.

Je suis amoureux de ma maîtresse d'école, Mademoiselle Jacinthe. A cinq ans je reçois le prix d'excellence qui récompense une lecture courante et celui qui sait dire une ou deux fables de La Fontaine apprises avec sa maman. Mon Papa est toujours à l'hopital. Ma maman travaille chez des particuliers, lavant et cousant, souvent le soir, car nous sommes sans aucune ressource.

Noémie, une jeune hahitiene, me garde souvent le Samedi . Son père breton vivant en Hahiti avait pris accord avec ma maman. Noémie est une jeune métisse magnifique, pleine d'énergie et de rire, venue à Paris pour ses ètudes.

De mes cinq à huit ans, chaque samedi apres-midi, Noémie et moi allons au "Bal nègre" ou "bal colonial" de la "rue Blomet" danser la Biguine!

 

LA BIGUINE est née à Saint-Pierre. les premières interprétations de biguine gravées en 1929 à Paris par STELLIO avec une simple formation de quatre musiciens(clarinette, trombone, violon, violoncelle) seraient encore très proches du style né dans la ville disparue. Mais la batterie de jazz, existait déjà dans les années vingt aux Antilles avec les percussions, le "chacha" (boite en fer blanc avec des grenailles) ou la calebasse, ou le "tibois".

C'est à Paris que la biguine va évoluer sans cesse jusqu'aux années 1970. Ce déclin correspond au déclin général de la France lié à la "politique de rigueur", rendue nécéssaire après le choc pétrolier et la mauvaise gestion de la France Giscard-Barre et toutes celles qui vont suivre. L'inquiétude des entrepreneurs qui débauchent les câdres qualifiés de 45 à 59 ans, sur les conseils des "consultants" bidons qui vendent la gestion dite "direction par objectif"en caricaturant cette méthode américaine. L'ANPE, donnera le coût de grâce en installant la "diplomite", la "compliquite" en synergie avec l'Education nationale qui propagera cette peste: le mépris du secteur secondaire, métallurgie, mécanique..!

C'est la fin de l'EXISTENTIALISME, ou l'homme se crée et se choisit lui-même en agissant.

Cabarets et bals ne font plus recette.

La musique antillaise continuera sa mutation aux Antilles. Les orchestres guadeloupéens et martiniquais doivent s'adapter à l'influence de la musique haïtienne (cadence rampa). Il en naîtra le Zouk qui va conquérir les continents européen et africain.

Le nom zouk vient du mot "mazouka" en créole, soit mazurka.

 

LE BAL BLOMET

C'est en 1924 que, dans un café du 15 ème arrondissement de Paris, un bal est créé par un Martiniquais destiné à ses compatriotes. Il devient le lieu de rendez-vous également des Africains de Paris.

Situé à coté des ateliers de Masson et Miro, le Bal Blomet accueille leurs amis surréalistes. Robert Desnos est le plus ardent. Les peintres, poètes, écrivains de Monparnasse, Picasso, Foujita, Cocteau , Miller puis Queneau, Paul Morand..se plongent dans l'exotisme. C'est l'époque de la "Revue noire" qui lance Joséphine Baker au théâtre des Champs-Elysées.

"...on s'exaltait sur la splendide animalité des Noirs de la rue Blomet...très peu de Blanches se mêlaient à la foule noire; moins encore se risquaient sur la piste : face aux souples Africains, aux Antillais frémissants, leur raideur était affligeante; si elles tentaient de s'en départir, elles se mettaient à ressembler à des hystériques en transe. ..."

 Simone de Beauvoir.

 

 

Étant enfant, je n'ai pas le même regard. Je vois des adultes chaleureux qui savent parler aux enfants, comme en Bretagne.

Je ne sais pas que c'est peut-être Ernest Léardée qui est à la clarinette ou au saxophone et dirige l'orchestre et qu'il quitta Fort de France, avec Stellio, pour conquérir Paris. Plus tard, jusque dans les années 60, je le retrouverai dans la vague cubaine et latino- américaine et apprendrai qu'il avait débuté en montant son propre orchestre au "bal nègre" de la rue Blomet.

Je suis fasciné par l'élégance des danseurs et des danseuses dont des étudiantes. Du haut de mes 6,8 ans, recherchant leur compagnie, je sus même que certaines venaient du "pensionnat colonial de Fort de France."

 

 

LA CANNE A SUCRE.

La fin de la guerre permet à une floraison de musiciens antillais de faire carrière à Paris. "Chez Maxe", je retrouve Ernest Léardée du bal Blomet, A "la "Coupole", "Chez Mimi Pinson" je danse sur la musique de Félix Valvert dont l'orchestre alterne parfois avec celui de Alix Combell du Hot club de France. C'est une époque inoui!

Le bal Blomet a rouvert ses portes, sans le tout Paris et Simone de Beauvoir, au bénéfice des Antillais qui retrouvent l'ambiance des îles.

 

Ce n'est qu'en 1952 que je découvre la "Canne à sucre", un lieu légendaire, situé au 4 Rue Sainte Beuve à Montparnasse. Un lieu qui sera le mien pendant plus de 20 ans, jusqu'à sa fermeture.

Ce soir la, je suis sorti de mon service militaire obligatoire depuis des mois, mais je panse encore mes blessures de ce statut d'appelé dans la Marine Nationale, ou je fus traité d'une façon indigne pendant deux ans. Je fus sans doute appelé dans cette Arme en représaille pour un impromtu que j'avais joué au petit théâtre de Chaillot et dont le thème militait pour la paix en 'Indochine". Le "Macartisme" français a éxisté.

C'est encore un peu désabusé que je rentre à "La canne à sucre". Au rez-de- chaussée, il y a le bar dans une salle très animée, au décor "tropical" de bon goût, un foyer ou se mêlent clients, artistes latinos qui passent en attractions et deux jeunes Antillaises coiffées d'un madras. C'est avec une des demoiselles que je descendrai l'escalier pour découvrir le cabaret et la piste pour aller danser. La jeune fille me dit être étudiante, son regret de me laisser en plan pour son travail d'animation, mais qu'elle estime qu'à une certaine heure elle serait plus libre et disponible pour "biguiner".

En d'autre lieu cette attente m'eut paru longue. Mais à la canne à sucre le temps n' éxistait pas. Plus tard, Je découvrirai Gérard la Viny, musicien et conteur à l'humour tendre et piquant propre aux Antilles, qui restera toujours fidèle. Je ne sais si Moune de Rivel chantait ce soir la, mais son nom est inséparable de la canne à sucre.

Je retrouve Robert Mavounsy,l'immense saxophoniste,de jazz que j'avais entendu à Paris, sous l'occupation allemande, à 12 ou 13 ans en allant seul au concert organisé par le Hot club de France à l'Ecole Normale de Musique ,quand on ne disait pas encore le "jazz" mais le "swing".

C'est un souvenir étonnant car je me souviens aussi que le même jour, je voyais l'affiche à Paris d'un noir avec de grosses lèvres, un nez crochu, soufflant dans un saxo. Plus tard, dans le film "Swing kid", film américain que je vous recommande, j'ai appris que cette affiche fut conçue en 1930, quand Hitler n'était qu'un chef de bande.

Ce soir la, à la Canne à sucre, Robert Mavounzy tire un rideau sur mes souvenirs de la France de Vichy, pour des chorus sans pareil.

Ce soir la, à la Canne à sucre, Gérard la Viny et ses danseurs présentent "le Meringue" pour la première fois, en France. Je suis médusé par le ballet, quand la jeune fille au madras m'invite pour ce moment qui est un show et non pas la danse générale qui suivra.

La Canne à sucre lancera aussi le "Calypso" et la danse du "limbo".

Puis ce lieu incomparable fermera ses portes, dans les années Giscard-Barre quand la France est entrée dans la désindustrialisation................

Je clos ce chapitre, en rendant mon modeste hommage à tous les acteurs de la Canne à sucre et à leurs enfants.

Je présente aussi mes hommages à tous les musiciens antillais, à ceux des bords de Marne et de la Cigale, à Ernest Léardée et Stellio qui avaient du sang breton, qui ont fait de Paris la capitale de la danse et le lit de la Salsa.

Et puis j'associe un hommage particulier aux Antillais simplement présents dans l'histoire de France cachée, Aux Africains de l'Afrique de l'Ouest colonisée, aux dissidents de la Libération qui s'engagèrent dans la première Armée du Général Delattre de Tassigni et celle du Général Leclerc, pour souvent mourir, comme à Monte Cassino ou à Houlgate.

Aujourd'hui, "nul ne sait plus vos noms, pas même.." les plaques commémoratives éxistantes, sans doute arrachées par l'armée française unifiée qui avaient retrouvé ses officers supérieurs de Vichy.

 

 

LA SALSA.

La Salsa, sous les noms des différentes danses de la Caraïbe, a donc fait son entrée dans les bals du samedi soir avec les musiciens antillais. Aussi, quand, avec la canne à sucre, je découvre aussi "L'Escale", j'entre en un lieu qui sera également le mien pendant des décennies. L'orchestre est cubain, les danseurs d'Amérique latine. Dans les années 60, l'"Escale" est achetée par le groupe "los machucambos".

La Bamba-Pépito-Cuando caliende el sol-La cucaracha-Hasta siempre commandante (Che Guevara).

Puis, un jour, l'escale sera fermée. Un jouri elle a rouvert ses portes grâce à un passionné de CUBA., pour en fin disparaitre..

Aussi, il me faudra remarquer de petites affiches collées modestement sur des supports dans Paris, pour découvrir les bals du Samedi soir des colombiens et péruviens de Paris.

La mode de la Salsa reviendra avec les Cubains à la Cigale,vers les années 90.

Dans ces années, je prends des cours de Salsa cubaines avec Rey Piloto au studio Biron, avec Alfrèdo de la Havane au "Dance center".

Au début des années 2000, je prends des cours de Salsa portoricaine avec Mouaze à Salsabor au studio Harmonic et par la suite avec Mouaze, dans des cours plus intimes à "L'Opus latina" situé au 33 rue Blomet, le "Bal Blomet" de la Biguine de mon enfance.Ce lieu a été classé par une association du 15 ème et sauvé de la destruction. Aujourd'hui c'est un bal antillais!